jeudi 17 mai 2012

Le jour où je suis devenue "musulmane d'apparence".


A l’époque on ne disait pas ça comme ça, on disait « tête d’arabe ».

Mais voilà, mon malheur c’est que je n’ai aucun lien ni par le sang, ni par alliance ni par la culture avec ce que les français nomment « les arabes ».
Ici en Polynésie, je suis ce qu’on appelle une « demie » aux Antilles une « métisse ».

Issue d’un mélange entre une maman martiniquaise et un papa d’origine française et ayant vécu principalement hors de métropole, je n’avais jamais pensé à l’apparence que l’on avait et n’imaginait même pas que l’on puisse réduire toute personne qui n’a pas « l’apparence européenne » à un « arabe » ou plus précisément un Magrébin.
De la Réunion, Mayotte à Tahiti, quand j’étais petite la question de l’origine des ancêtres ne se posait pas, on se contentait de vivre et d’être soi.
Ce n’est que lorsque j’ai mis le pied en métropole à l’âge de 16 ans que l’on m’a appris que j’avais une « tête d’arabe ».

D’abord aux questions que l’on me posait : jamais on ne m’a demandé en premier lieu ce que j’aimais, qui j’étais, d’où je venais… non !
La première question que l’on me posait consistait en quel pays du Maghreb mes parents pouvaient bien être originaires et ensuite quelle était leur profession… réducteur  et assassin !
J’ai donc dû me justifier en permanence de ne pas être arabe, de ne pas être d’origine maghrébine, j’ai dû expliquer à chaque ramadan que je n’étais pas musulmane, que je n’avais donc pas à suivre leur jeûne.
Mise au ban de la société pour « arabicité » supposée, ma première expérience en terre métropolitaine avait été très traumatisante.
Cette association entre mon apparence « non européenne » et ma supposée origine arabe était destructrice d’autant qu’elle procédait d’un racisme profond et ancré dans cette société.
Les français auraient ils honte de leur passé colonial ?  Le racisme est l’arme idéologique absolue du colonisateur dont le but est de détruire l’origine culturelle d’un individu.
En quoi consistait donc de vouloir me faire porter une origine qui n’était pas la mienne ?

D’être sans cesse assimilée  à un peuple que je ne connaissais pas m’avait fait développer une véritable détestation pour celui-ci : oui, j’ai détesté les « arabes »…. a 16 ans.

Puis j’ai quitté la métropole et le temps a effacé tout ça…

Puis un 27 mars 2012, un président français a inventé le concept de « musulman d’apparence » !

Cela m’a rappelé cette blessure ancienne de l’adolescence.
D’une association stupide entre un aspect physique et un lieu géographique, ce président avait poussé le trait jusqu’à en faire une association avec une religion… Et j’ai pris conscience que dorénavant pour ce peuple ou du moins pour les plus stupides d’entre eux, je serais dorénavant une « musulmane d’apparence »

La France et les français ont développé un véritable complexe vis-à-vis de leur passé de colonisateurs et ils voudraient l’enfouir sous un tapis bien épais et ne plus voir personne qui pourrait le leur rappeler.
Adolescente, je ne pouvais pas comprendre que « ma tête d’arabe » n’était pas mon problème mais plutôt le leur.

le racisme est l’essence du colonisateur.
Un pays colonisateur se doit d’être raciste.
Sans racisme, il n’est pas possible de coloniser des frères et des sœurs humains.
Sans racisme, il n’est pas possible d’en faire des bêtes de somme à qui on arrache tout,( vie, familles, terre, culture) pour les réduire à l’état  animal, condamnés à travailler comme esclaves sur les plantations.
Sans racisme, il n’est pas possible d’évangéliser de force des peuples car sans racisme on sait qu’aucune civilisation n’est supérieure à une autre, aucun peuple à un autre…
Le racisme est cette vision condescendante envers ce que l’on ne connait pas, que l’on rejette et méprise quand on ne le détruit pas.

C’est ainsi que des descendants de colonisés  se retrouvent sans passé, sans origines, sans histoire …comme moi !
Il est tellement plus facile d’écrire sur une page blanche…

C’est pourquoi je comprends le combat de certains pour préserver leur culture et leurs traditions originelles. Je comprends que l’on ne veuille pas que ses enfants et petits enfants se retrouvent comme moi, sans passé, sans histoire sans origine… pour finir étrangers partout.

Mais je mets au défi ceux qui seraient tentés de me réduire à ma tête d’arabe ou à mon nom français, de réussir à me faire rentrer dans une de leurs étiquettes; elles sont trop étriquées pour moi.
Je ne suis ni l’une ni l’autre et pour tous ceux que je gêne, je me plais à le dire : je suis arabe, je suis africaine, je suis chinoise, je suis amérindienne, je suis française, je suis anglaise, je suis polonaise, je suis israélienne, je suis colombienne, je suis palestinienne, je suis mexicaine, je suis américaine, je suis chrétienne, je suis juive, je suis musulmane, je suis bouddhiste, je suis taoïste, je suis païenne, je suis….terrienne.

1 commentaire:

  1. Coucou Lana,
    Je suis touchée par ton sentiment décrit, stupidité de l'être humain, se croire bien ou mieux que l'autre c'est complétement nul. Ces personnes qui ont la haine et le racisme envers n'est que la description de leur peur qui leur ait propre. La peur d'être mal vue, d'être rejeté, se sentiment d'être petit par rapport à l'autre. Tout simplement la PEUR... qui pousse ces gens à être comme cela.

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